Physiquement, tout est revenu à la norme à part un peu de gras sur mon ventre . Ma linea negra s’en va petit à petit et me rappelle que ma grossesse n’est plus qu’un lointain souvenir. Je m’accroche tant bien que mal à ce moment remplit de d’émotions diverses qui me rendait si puissante. Oui je dis bien puissante car la grossesse nous donne des ailes et nous nous sentons invincible .
En revanche, l’accouchement c’est autre chose. Il nous fait redescendre sur terre en un clin d’œil. Entre mon intimité à la vue d’inconnu et la non compréhension de ce qui se passait, je suis comme tétanisée. Tétanisée par cette Gynecologue qui sort les instruments pour « m’aider » à sortir mon bébé sans aucune explication.
Et puis vient le post-partum. Je passe d’une personne à qui on prête attention à une femme lamba : une mère , une épouse , une fille , une psychologue , une fille normale quoi. Bébé est là , maman n’existe plus . La vraie moi, elle se noie peu à peu et lutte contre des affects pas toujours très bons .
Avant on s’intéressait à mes émotions , à comment je me sentais. Maintenant, le cour de la vie a repris pour tout le monde alors que moi, ma vie s’est arrêtée le jour où j’ai donné la vie . Non je ne regrette en rien cette nouvelle vie. Ma fille est ma raison de vivre , ma motivation , mon oxygène . Sans elle, je ne suis personne. Mais oui , ma vie s’est arrêtée le jour où j’ai donné la vie parce que maintenant je ne sais plus qui je suis . Je suis morcelée psychiquement c’est le KO. J’essaye de faire le lien dans mon passé , pour me reconnecter au présent , fichue transparence psychique .
Quels sont mes projets , que vais je faire de ma vie ? Est ce que je suis épanouie là où je suis ? Maintenant je ne peux plus penser à moi, je dois penser à ma famille et oui je n’existe plus . C’est ça être mère , paraît-il.
Parfois je me demande si ma fille m’aime , si je suis ou serai utile à ses yeux . Si je ne suis pas qu’une paire de sein pour elle . Il paraît que la mère est le premier objet d’amour d’un bébé. Mais quelle pression ! En parlant de seins, quand je vois les miens tout déformés je me dis « merde, 30 ans et des seins déjà ramollis par l’allaitement, on dirait deux crêpes «. Mes hanches sont plus larges aussi mais mon mari aime ça, pas moi . Un jour, je me réveille et je n’ai plus de cheveux sur mes tempes . Ah bon ? Qui m’a parlé de cette alopécie post-partum ? C’est bête, je dois reprendre le travail deux semaines après !
Physiquement presque rien n’a changé, c’est comme si je n’avais jamais porté la vie . Pourtant, la charge mentale est belle et bien présente.
C’est ça être mère , c’est se sacrifier mais quel amour j’ai pour cette petite fille que j’ai mise au monde. Parfois j’ai l’impression qu’on veut me l’enlever, me séparer d’elle. J’en mourrai de chagrin.
C’est comme si on m’arrachait une partie de moi, parce qu’elle est ma chaire , tout comme je suis la chaire de ma mère : les liens du sang, l’amour filial, y a que ça de vrai . Pourtant, ma mère ne m’a jamais raconté son post-partum. Pour elle tout était parfait, j’étais le bébé parfait. Du coup je culpabilise . Pourquoi moi je n’y arrive pas ? Pourquoi c’est difficile ?
Au travail rien n’a changé. La routine suit son cour. Toujours les mêmes problématiques, le manque de temps , la pression des collègues . J’en ai ma claque. J’aimerais tout quitter mais je ne peux pas . Être adulte c’est prendre ses responsabilités, payer ses factures , son loyer . La routine quoi . Métro, boulot dodo . Encore ce foutu virus qui nous gâche la vie . Ça sent encore un anniversaire en confinement . Comme le jour de mes trente ans ou j’ai soufflé mes bougies en zoom. C’est ça la vie ? Tout faire à travers en écran ? Dans quel monde je t’ai fait venir mon bébé c’est triste. Je culpabilise .
Je suis submergée par pleins d’émotions passant de la joie à la tristesse . Aujourd’hui je suis triste et je m’autorise à l’être. Mais attention , il ne faut pas que ça dure trop longtemps, parce que cette maison doit tourner ! JE dois faire tourner cette maison. Pourquoi je n’arrive pas à lâcher prise ? J’ai pourtant un mari plutôt aidant ? Sacrée toute puissance maternelle .
Encore une fois j’ai envie de tout claquer et je me dis que ma famille serait bien mieux sans moi et puis j’entends la petite voix de ma fille qui me rappelle à l’ordre. Je la regarde avec ses grands yeux d’amour à me faire de grands sourires , quel amour cette petite fille .
Je l’aime tellement, un amour inconditionnel. Parfois je me dis que j’aimerais retomber enceinte et enfin pouvoir profiter de ma grossesse hors période confinement. Sortir
, voir du monde , avoir enfin une baby shower et puis finalement je me dis : est-ce raisonnable de revivre un tel bouleversement psychique ?
Car oui je suis remise physiquement de mon accouchement mais psychiquement c’est encore le KO. Demain sera un autre jour, demain ça ira mieux (ou pas) .
Voici mon post partum , 9 mois après